CARNET DU CHŒUR
Un bel anniversaire partagé
Le Chœur de la Vallée de Montmorency ne s’est pas fait prier : 60 ans de mélodies travaillées,
chantées, apprises, reprises, découvertes ou retrouvées, c’est une vraie vie qui se fête.
Le Chœur a une histoire, jalonnée de départs et d’arrivées, de choix musicaux toujours audacieux
sous l’impulsion de chefs de chœur, passionnés comme on le verra si on relit sur le site l’histoire
du Chœur.
Le dernier à mener son monde non pas à la baguette mais au geste, aidant chaque choristeà
donner toute la mesure, c’est Vincent Bonzom. On trouvera son parcours sur le site du CVM et
pour lui comme pour nous, c’est un anniversaire dans l’anniversaire puisqu’il a passé à
Montmorency le cap des dix ans d’engagement vocal, mettant en application non seulement ses
Exercices de chant pour les nuls
mais une approche particulièrement exigeante permettant
d’amener à bon port — celui du public —, ses marins chanteurs. De plus, Vincent compositeur a
fait au Chœur en 2018 le plus beau des cadeaux, celui d’une création. Son
Stabat Mater
(2018)
résonne encore dans toutes les mémoires de ceux qui l’ont interprété ou écouté, à Enghien ou à
Montmorency.
Bien sûr il a fallu passer le cap des apprentissages, permettant non seulement de placer haut la
barre mais de tenir fermement la dite barre dans les tempêtes récentes. La pire d’entre elles, liée
aux attaques de la Covid 19, a généré en 2020, à cause du confinement, l’éclatement du Chœur, le
repli, l’impossibilité de marier voix et pupitres dans le travail d’ensemble. Vincent a alors inventé
des propositions permettant à chacun de travailler lors de rendez-vous virtuels simultanés en
attendant la fin de l’invasion. Qu’il soit encore remercié. Heureusement, le Chœur a pu reprendre
sa navigation, abordant ensuite le fameux
Requiem
de Mozart sans redouter la prise de risques
inhérente à l’appropriation d’un tel chef-d’œuvre, en de telles circonstances.
Après ce franchissement plutôt vertigineux, le Chœur a chanté pour le temps de Noël —en plein
air dans le bas puis dans le haut de Montmorency —,de joyeux chants de circonstance, avant
d’interpréter sous les solennelles voûtes du Panthéon deux airs qui se sont inscrits dans
l’hommage rendu à Rousseau, —en son temps, hôte de Montmorency —, le 11 octobre 2023.
En peu de temps ensuite, il a fallu se préparer à hisser la grand-voile de l’anniversaire et toutes
les manœuvres ont compté dans un temps plutôt court. Depuis l’annonce des concerts, relayée par
les municipalités d’Enghien et de Montmorency jusqu’aux deux concerts des 18 et 19 novembre
2023, chacun à son poste a embarqué pour l’aventure sous la direction du capitaine Bonzom qui a
su inspirer confiance, vent debout. Pour beaucoup de choristes, il s’agissait de revisiter des
mélodies déjà vues, et pour d’autres, il a fallu monter à l’assaut d’œuvres mal connues.
Dans les deux vaisseaux — église Saint-Joseph d’Enghien, et collégiale Saint-Martin de
Montmorency —, l’équipage a pris place de manière originale et le voyage en forme de florilège
a eu lieu, présenté et dirigé par le maitre d’œuvre que nous savons, le samedi 18 novembre 2023
à Enghien-les-Bains et le dimanche 19 novembre à Montmorency.
C’est ainsi que le chœur, les deux solistes Yang Xiu, Maho Ueno, et tout l’équipage à pied
d’œuvre sur le pont, accompagnés par la fidèle et subtile pianiste Nao Matzda, ont déroulé le fil
multicolore du voyage à travers siècles, pays, genres, naviguant entre les paysages de la musique
dite sacrée, ou dite profane, portés par le même plaisir de chanter en toutes circonstances.
Le festival sonore s’est ouvert avec un chant polyphonique de Claudin de Sermisy(vers 1490 -
1562). Ce maitre reconnu, veillant aussi en la sainte Chapelle à l’éducation musicale des enfants
de chœur, a composé musique sacrée et musique profane. C’est ici un texte de Clément Marot
que le compositeur a mis en musique :
Vous perdez temps de me dire mal d’elle…
Une leçon de
musique et de vie, appréciée par tous. On rappellera que Ronsard et Rabelais ont admiré le travail
du compositeur ayant mis en musique environ 160 poèmes.
C’est dans le
Gloria
d’Antonio Vivaldi, écrit en 1713, que le Chœur, ainsi que la soliste Maho
Ueno ont puisé deux éléments emblématiques, déjà interprétés dans un concert précédent. Plus
que jamais, en ces temps troublés par les guerres contemporaines, la puissance du
Et in Terra Pax
hominibus
a fait sens, comme l’a rappelé Vincent Bonzom. La supplication du
Domine Deus
Agnus Dei
a résonné dans le même esprit.
Avec le
Confutatis
et le célèbre
Lacrimosa,
extraits du
Requiem
de Mozart, donné par le Chœur
de la Vallée de Montmorency avec l’orchestre de chambre d’Enghien sous la direction de
François Detton en 2022, les voix rassemblées ont poursuivi leur marathon se frayant un chemin
entre les mises en garde proférées par les voix masculines, auxquelles répond la prière des élus,
distillée par les voix féminines, avant d’entamer la progression chromatique des inoubliables
larmes.
Le public est sorti des tourments harmonieux du
Requiem
pour entrer avec le Chœur dans l’une
des subtiles zones de la
Deutsche Messe
de Schubert (1822), avec le
Zum sanctus
qui revêt la
simplicité homophonique des chants populaires. Lui a succédé paisiblement, en quittant le champ
de la musique sacrée, le
Waldesnacht
de Brahms (1864), lied interprété le 11 octobre 2023 au
Panthéon par le Chœur lors de l’hommage rendu à Rousseau.
En interprétant ensuite l’
Ave Maria
de Vincent Bonzom, le Chœur, galvanisé par la voix
séraphique de Yang Xiu, a parcouru une seconde fois, après la création de 2018, les hauteurs de
l’angélique salutation intensément renouvelée par le compositeur.
Le passage par deux extraits de
la petite messe solennelle
de Rossini (1864) s’imposait : la
fameuse gradation du
Kyrie
, suivie de l’opératique
Agnus Dei
ont rappelé aux uns de somptueux
moments partagés et aux autres l’audace d’un compositeur capable d’aborder bien des ports et —
comme l’écrit Balzac dans
Massimila Doni—
, dont la musique « relève les têtes courbées et
donne de l’espérance aux cœurs les plus endormis ».
La navigation s’est poursuivie avec l’
Ave Verum Corpus,
motet d’Edward Elgar (1887) : là
encore, retrouvailles scellées dans le temps de l’interprétation : corps collectif du Chœur chantant
le Corps christique, à travers sonorités suaves et délicatement ouvragées.
Les deux solistes Yang Xiu et MahoUeno, toujours accompagnées finement par Nao Matzda ont
pris le relais pour faire surgir dans l’enceinte sacrée le célèbre
Duo des fleurs
, extrait de
Lakmé
(1883), opéra de Delibes : le chœur s’est alors posé, rejoignant le public pour suivre à l’oreille la
barcarolle aérienne de Lakmé, fille du prêtre hindouiste et de sa servante Mallika, entre
confidences, pétales et rêveries amoureuses au fil de l’eau.
Après un intermède bienvenu, le Chœur a embarqué son monde dans le
Macbeth
de Verdi (1847)
à la suite des réfugiés écossais dont les lamentations à l’acte IV reflètent comme par anticipation
les tourments contemporains :
Patria oppressa…
Après ce chant bouleversant lié au « printemps des peuples », Vincent Bonzom a choisi de mettre
en lumière un périple arménien dont les résonances font écho aux réalités actuelles au cœur des
pays et territoires malmenés : de
Guiluiguia,
texte dans l’esprit de
J’irai revoir ma Normandie,
mis en musique par Gabriel Yeranian vers 1860 à
Maïr Araxi Aperov
, chant écrit par le poète
Raphaël Badganian au fil d’une méditation le long de la rivière Araks, en passant par trois
poèmes — les deux premiers, de Vahan Tekeyan (1878-1945) ; le troisième, de William Saroyan
(1908-1981) — mis en musique par Vincent Bonzom, le public a vécu une immersion sonore
dans l’âme d’une grande civilisation en souffrance.
C’est avec trois extraits du
Stabat Mater
de Vincent Bonzom, créé en 2018 par le Chœur de la
Vallée de Montmorency, les solistes Grace Hye-Young Stoullig, Seungeun Oh, et l’orchestre de
chambre d’Enghien dirigé par François Detton, que le concert-marathon s’est achevé. Le
triptyque constitué par
Fac ut ardéat, Fac me vere et Inflammatus
a été le point d’orgue ardent
signant la fin du voyage partagé en présence d’un public enthousiaste et des élus qui soutiennent
le travail du Chœur de la Vallée de Montmorency — notamment Madame Sophie Merchat, 2
ème
adjointe,Déléguée aux Finances et la politique de l’Ecole de musique pour Enghien, Monsieur
Maxime Thory, Maire de Montmorency et Monsieur Eric Sauray, 5
ème
adjoint, Délégué à la
Culture et au Patrimoine.
Le Chœur a fêté comme il se doit, salle Daval — mise à la disposition du Chœur par le père
Emeric Dupont et son équipe — cet anniversaire couronnant une année de travail à la fois
rigoureux et joyeux dans les salles prêtées par la Ville de Montmorency —salle des fêtes et salle
Lucie Aubrac.
Ayant tout juste retrouvé la terre ferme après ce grand voyage qui a permis d’engranger images
sonores et expérience, l’équipage s’apprête à embarquer pour de nouvelles aventures dont on
reparlera en temps voulu.
Christine ESCHENBRENNER, décembre 2023.
Remerciements pour les photos , à monsieur Fenoy-Castillo