Rousseau, Amour et Chœur
Pour la seconde fois, le 17 octobre 2024, au Panthéon, le Chœur de la Vallée de Montmorency a chanté en hommage à Rousseau sur le thème « Rousseau et l’Amour ». Vaste sujet, abordé collectivement dans le transept nord du Panthéon, entre les fresques consacrées aux héros ayant marqué la France, la vitrine d’Anselm Kiefer à l’occasion de l’entrée de Maurice Genevoix au Panthéon et de « Ceux de 14 » ; le Chœur était placé devant la sculpture monumentale de Landowski intitulée « A la mémoire des artistes dont le nom s’est perdu ». De l’autre côté de la nef, se dressait le monument consacré à Jean-Jacques Rousseau, composition réalisée en 1912 par Bartholomé pour le bicentenaire de la naissance de notre Homme, avec au- dessus de son portrait en médaillon, cinq femmes figurant la Musique, la Vérité, la Philosophie, la Nature et la Gloire. C’est Barbara Wolffer, administratrice du Panthéon, qui a ouvert la célébration, en rappelant l’entrée de Jean-Jacques au Panthéon 230 ans plus tôt puis en évoquant les noms de celles et de ceux que le temple de la nation a accueillis pour toujours, de Jean Moulin à Manouchian en passant par Victor Hugo, Victor Schoelcher, Jean Jaurès, Simone Veil, et Joséphine Baker. Jean-Paul Jouary, Professeur de Chaire supérieure honoraire a présenté les déclinaisons de l’amour selon Jean-Jacques, qui faisait la différence entre d’une part, la « pitié naturelle », le principe de plaisir, l’amour-propre avec tous les corolaires de la possession, de la fureur, sous le signe d’Eros et Thanatos, et d’autre part, l’amour de l’humanité, à envergure universelle. Le paysage de l’amour humain, avec ses versants philosophiques et politiques a miroité dans cette prise de parole. Robert Churlaud, professeur de Lettres au collège des Bernardins a ensuite navigué entre «initiation et épanchement », en rappelant les liens confessés par Jean-Jacques qu nommait «Maman » madame de Warens, sa protectrice, confidente, amie, amante, avant la rencontre passionnée avec Sophie d’Houdetot, les deux femmes donnant naissance à deux personnages-clé de Julie ou la Nouvelle Héloïse, roman épistolaire écrit à Montmorency. « Vivre, c’est aimer»,écrivait Rousseau, l’un des inventeurs de l’autobiographie, passant de la remémoration à la transfiguration, du réel au littéraire.
Les élèves du lycée Jean-Jacques Rousseau de Montmorency, guidés par leurs professeurs ont offert la lecture mise en scène de morceaux choisis conjuguant les aspects parfois contradictoires d’une œuvre aux multiples facettes. Le Chœur de la Vallée de Montmorency, dirigé par Vincent Bonzom, a alors interprété le Calme des nuits de Camille Saint-Saëns : ce chant émouvant, pour quatre voix mixtes, sur un texte de Victor Hugo - qui partageait avec Jean-Jacques l’amour de la nature, celui de la promenade et de la méditation-, a résonné sous les voûtes de l’édifice reposent les deux grands hommes. L’amour de la musique, partagé par Rousseau a trouvé refuge dans cette œuvre de la fin du XIXème siècle qui relaie la nécessité pour le poète de cultiver une certaine solitude pour retrouver un accord harmonieux avec la vie « par l’amour des choses profondes ». Fanny Bouteiller, chargée d’enseignement à l’université catholique de Lille et directrice littéraire au Presses Universitaires de France a développé à son tour cette même thématique, soulignant l’actualité d’une réflexion déjà centrée sur l’environnement, l’amour de la nature - notamment dans Les rêveries du promeneur solitaire . La compagnie théâtrale valdoisienne « Quelles que soient les circonstances », avec les élèves du lycée Maryse-Condé de Sarcelles, dirigés par Olivier Thébault, a offert de joyeuses variations contemporaines sur les thèmes déjà abordés, incluant la diversité des rencontres amoureuses et amicales. Rémy Hildebrand, président du Comité européen Jean-Jacques Rousseau est revenu sur les liens et liaisons déjà évoqués, enrichissant son propos par l’évocation d’autres figures féminines importantes dans la vie de Rousseau: de la tante Suzon, mère substitutive, à la duchesse de Portland, éminente botaniste avec qui il partagera sa connaissance des plantes, en passant par l’évocation de madame de Larnage, rencontrée à Romans, Jean-Jacques a cultivé son jardin en faisant la chronique de sa vie vagabonde. Pierre Alain, président de l’Alliance Française de Genève a évoqué à son tour le périmètre genevois de l’enfance, les émotions liées au canton de Vaud, à la région d’Annecy, et aux fameuses Charmettes sur les hauteurs de Chambéry. Les élèves des lycées Gustave Monod d’Enghien et Jean-Jacques Rousseau de Montmorency, dirigés par Philippe Touchet, professeur en classes préparatoires aux Grandes Ecoles, ont illustré avec fraicheur et finesse par une série de saynètes, les propos du philosophe autour de la thématique choisie. Romain Eskenazi, député de la 7 ème circonscription du Val d’Oise, a salué à la fois le bouquet d’interventions proposé le 17 octobre 2024 et l’empreinte de Jean-Jacques Rousseau, à Montmorency comme bien au-delà. De nouveau, le Chœur de la Vallée de Montmorency a ponctué le parcours du jour en interprétant le chant «Vous perdez temps de me dire mal d’elle», musique de Claudin de Sermisy sur un texte de Clément Marot. encore, à travers ce chant polyphonique de la Renaissance, c’est le clin d’œil qui a été retenu plus largement: très certainement, bien des détracteurs se sont appuyés sur les rencontres et liaisons de Rousseau pour ternir son image mais, comme l’écrit Marot : « Tel en médit qui pour soi la désire. » Philippe Touchet a clôturé l’hommage avant la remise par Pierre Alain à Jean-Paul Demarson, Président de l’Association « Rousseau à Montmorency », d’une belle distinction. Enfin, les élèves, accompagnés de certains intervenants, ont déposé une gerbe de fleurs devant le tombeau de Rousseau, dans la crypte du Panthéon.
CHRISTINE ESCHENBRENNER
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