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Samedi 18 janvier, c’est en l’église Saint-Flaive d’Ermont, puis dimanche 19 janvier en la collégiale Saint-Martin de Montmorency que les quatre ensembles, accompagnés par la pianiste Qian-Qian Gaudin-Zhang se sont rejoints pour présenter et faire sonner leur travail, ce dans le cadre de la Confédération Musicale de France 95. Dans les deux églises valdoisiennes—le premier espace correspondant à l’agrandissement circulaire de l’église initiale, projet architectural original conçu en 1965 par l’architecte Gilbert Faux, et le second étant le vaisseau central flamboyant de la collégiale Saint-Martin de Montmorency— , choristes et musiciens ont s’adapter à deux acoustiques différentes, sous la direction de Mariel Juventy pour la chorale de la Lyre Amicale d’Eaubonne ( association prêtant régulièrement ses locaux au Chœur de la Vallée de Montmorency pour ses répétitions certains dimanches), et de Vincent Bonzom qu’on ne présente plus mais dont on reparlera ; tous deux ont tenu le cap pour ce nouveau voyage haut en couleurs. La chorale de l’Ecole de Musique de Bezons , dirigée par Vincent Bonzom a ouvert la voie avec trois chants de la Renaissance, subtils et magnétiques : le Ô Salutaris Hostias de Pierre de La Rue, compositeur franco-flamand (1460-1518), révélant par sa dimension polyphonique ce que peut représenter l’Elévation, dans tous les sens du terme. L’ Ave Maria de Jean Mouton (1459-1522), compositeur du Nord de la France, ami de Josquin des Prés et admiré par la duchesse Anne de Bretagne, a ensuite reflété la beauté de l’âme virginale que salue, à travers siècles et œuvres musicales, l’ange Gabriel ; avec le O Jesus Christe , miroir de la supplication, de Jakob Van Berchem (né vers 1505- mort vers 1567) issu lui aussi de l’école franco-flamande puis ayant créé en Italie de nombreux madrigaux, des motets et deux messes— dans lesquelles le cantus firmus est le moyeu de la roue sacrée —,s’est achevé le premier temps du concert. Sous la direction de Mariel Juventy, la chorale de la Lyre Amicale d’Eaubonne a offert un ensemble éclectique de sept chants a cappella choisis dans des univers, des temps et des pays très différents : le Da Pacem Domine de Melchior Franck (1573-1639), compositeur allemand prolifique (1573-1639) entrecroise les quatre voix d’un canon appelant à la paix. Se Equivoco La Paloma, poème écrit en 1941 par Rafaël Alberti lors de son exil en Argentine, et mis en musique par Carlos Guastavino (1912-2000), compositeur argentin, décline l’errance de la colombe confondant destinations et éléments. A travers Vuprem Oci de Vinko Zganec (1900-1976), le voyage se poursuit au printemps en Croatie du Nord, en appui sur une structure pentatonique traditionnelle. Nous restons dans un pays de l’Est la Hongrie —, avec Dana-Dana, vif chant populaire de Lajos Barjos (1899-1986) compositeur ayant contribué au développement du chant choral dans son pays natal. Retour en France avec le Si mes yeux, poème de René-Guy Cadou (1920-1951) mis en musique par Etienne Daniel, compositeur et harmonisateur, en 1941. Ensuite, La ballade Nord irlandaise, musique de Pierre Briquette, compositeur et bassiste irlandais sur un texte de Renaud Séchan dont un quatrième couplet à teneur anticléricale contraste avec les lieux a précédé le dernier chant de cette chorale, soit Liberté, couleur des Feuilles, autre poème de René-Guy Cadou mis en musique par Luc Guilloré, compositeur et chef de chœur passionné, décédé en fin de concert, à Toulouse, en 2010. Le Chœur de la Vallée de Montmorency , dirigé par Vincent Bonzom, a pris le relais en abordant en premier lieu les rives opératiques du Pater noster de Giuseppe Verdi (1813-1901). Défi pour les choristes, tenus de passer par toutes les nuances, accents et difficultés d’une interprétation rigoureuse, éclairée par répétitions, conseils et indications pointus bien que non dénués d’humour, de leur chef de chœur. L’œuvre, composée par Verdi au cours de la période de latence suivant la composition de nombreux opéras et du Requiem— écrit en 1874 à la mémoire d’Alessandro Manzoni—, transporte tous les marqueurs de l’expressivité et de la culture italienne, à l’encontre de l’approche musicale germanique en vigueur à cette époque. La première représentation incluant le Pater noster est donnée au printemps1880 à la Scala de Milan par un chœur de trois cents voix. Le texte du Pater noster est une variante modernisée d’un passage de la Profession de Foi du poète Antonio Beccari Da Ferrara (1315-1374), et sans doute pas de Dante. La musique, toute en intensité, entraine dans son sillage— fait de fugues, canons, reprises, élans dramatiques et post-romantiques, changements de tonalités, passages de l’ombre à la lumière, du majeur au mineur, appels …— de profondes émotions. Sans parler des mystérieuses déclinaisons chromatiquesqui, dans les dernières mesures, font penser aux Prophéties des sibylles de Roland de Lassus ou à Palestrina, lequel fascinera Verdi. Le Chœur de la Vallée de Montmorency rejoint ensuite la montagne de Bepi de Marzi (compositeur, organiste et chef de chœur italien, en 1935) : en effet, avec Signore delle cime, composé en 1958 , Bepi rend hommage à son ami, l’autre Bepi Bepi Bertagnoli, partisan du Fuoco —, disparu en 1951, emporté à 28 ans par une avalanche près des sommets du haut Valchiampo. Depuis la disparition de l’ami alpiniste, le chant du Seigneur des cimes, simple et profond, rassemble au cœur du partage ceux qui chantent et ceux qui écoutent. Dans un troisième temps, se sont déployés les accordéons des Triolets de Bezons , accompagnés d’une guitare basse, sous la direction de Martine Deschamps, ensemble déjà présent et évoqué dans le carnet du Chœur, lors du concert de juin 2024. Cette fois, le champ s’est lui aussi élargi : avec la version accordéons du thème Gabriel Oboe le hautbois de Gabriel —d’Ennio Morricone (1928-2020), extrait du film Mission de Roland Joffé (1986)— palme d’or à Cannes —le public se retrouve du côté des Guaranis amazoniens, quand le jésuite Gabriel exprime par le hautbois, non loin d’une cascade, son amitié. Puis, la joie populaire s’empare des lieux sacrés avec le Limonaire en fête de Claude Thomain (1940-2023), compositeur et pédagogue ayant beaucoup apporté non seulement au bal musette, à la création mais auss des chanteurs comme Mouloudji et Nougaro ; Eclot enfin le fameux Manha de Carnava de Luis Bonfa (1922-2001) qui rappelle à chacun le mythique film Orfeu negro (1959) de Marcel Camus, dans une version pour accordéons qui fait se lever une nouvelle fois le soleil brésilien. Deux chants interprétés par les trois chorales et accompagnés par les Triolets de Bezons ont couronné les deux concerts. Tout d’abord l’illustre Jesu bleibet meine Freude, motet de Johann-Sebastian Bach (1685-1750), composé à partir d’un poème de Johann Franck et d’un cantique luthérien de Johann Crügerdans une symétrie cruciforme que mettent en lumière les accordéons comme un seul orgue. S’épanouit enfin dans les deux édifices valdoisiens le Cantique de Jean Racine de Gabriel Fauré (1845-1924), déjà présenté dans le Carnet du Chœur suite à l’interprétation du 24 juin 2024 en la collégiale Saint-Martin de Montmorency. On ajoutera ici que ce même chant a résonné sous les voûtes de Notre-Dame de Paris, pour la messe des donateurs, le 11 décembre 2024, œuvre interprétée par les 87 chanteurs du Chœur des compagnons restaurateurs , parmi lesquels certains n’avaient jamais chanté, ce sous la direction de Frédéric Pineau,chef de chœur et pédagogue, sur une proposition de Stéphanie Duchêne, ingénieure au laboratoire des monuments historiques. Encore un vœu : chanter ensemble, ici comme ailleurs. Christine ESCHENBRENNER, le 25 janvier 2025.
Les deux concerts de janvier 2025 Trois chorales, un piano, cinq accordéons plus une basse En ce mois de janvier au cours duquel les vœux bienveillants sont échangés, que le Chant choral soit pour chacun le moteur de l’aimante harmonie qui repousse et détruit la haine sous toutes ses formes.
Jesus Bleibet meine freude